Plus sérieusement, le débat qui ne cesse de s’enclencher sur les niches oublie souvent de se poser la question essentielle : Pourquoi y a-t-il des niches ? En effet, avant de s’interroger sur le sort à leur réserver, les gouvernements feraient mieux de se demander pourquoi il y en a tant (plus de 550 au dernier recensement…). Il constaterait d’abord que les niches existent car il faut une soupape de sécurité face à un trop plein d’impôt.
Par exemple, l’assurance vie, le pacte Dutreil ou le régime de faveur des terres agricoles soumises à un bail rural à long terme s’expliquent avant tout parce qu’avec des taux de droits de succession de 60 % et encore de 45 % en ligne directe, la charge fiscale serait intolérable sans mesure d’allègement. D’où ces différents dispositifs.
De même, toutes les niches pour faire baisser son impôt sur le revenu sont là parce qu’avec un taux marginal à 45 %, il devient souvent insupportable.
Et cela concerne aussi l’impôt sur les sociétés ou les impôts sur la consommation comme la TVA. Même si le taux de l’impôt sur les sociétés commence à baisser en attendant un taux de 25 % promis pour 2022, il a été longtemps dissuasif à près de 40 % avec les contributions additionnelles, incitant les sociétés à ne pas venir ou à partir à l’étranger. Aujourd’hui encore, il s’ajoute à toutes les autres charges qui pèsent sur les entreprises et obligent les gouvernements successifs à se montrer toujours plus imaginatifs en termes de crédit d’impôt et déductions exceptionnelles pour ne pas appauvrir davantage notre tissu industriel.
Quant à la TVA, le taux de 20 % est suffisamment élevé pour inciter nombre de secteurs d’activité à faire pression et obtenir ainsi des taux réduits ou intermédiaires.
Une lutte efficace contre les niches fiscales consisterait donc d’abord à… baisser drastiquement les taux de ces impôts voire à les supprimer, ce qui supprimerait par la même occasion la raison d’être premières de ces niches.
Mais les niches fiscales ne sont pas seulement dues au trop plein d’impôt. Elles résultent aussi de discussions budgétaires où chacun tire la couverture à soi, entraînant un gouvernement faible à octroyer toujours plus de petits avantages aux plus insistants ou aux plus influents, quitte à accoucher de lois de finances devenues totalement illisibles, tant en volume qu’en rédaction.
Enfin, les niches existent aussi parce les gouvernements successifs veulent faire de l’impôt non plus un simple instrument budgétaire (j’aurai 100 € de dépenses, je fais donc rentrer 100 € de recettes…) mais un instrument politique, voire idéologique. On se sert de l’impôt pour influencer le citoyen. On l’encadre dans son comportement à coups de menace de taxe.
On le récompense à l’aide d’exonération, à condition que ses choix soient conformes à l’esprit du temps. La niche fiscale fait donc désormais partie du paysage institutionnel et accompagne toute réforme ou toute évolution. Peu importe ce qu’elle coûte ou rapporte, pourvu qu’elle influence. La preuve en est que le terme « dépense fiscale » est aujourd’hui entré dans le langage courant, alors même que les deux termes sont en principe contradictoire, le fiscal impliquant normalement une recette.
La lutte contre les niches passe donc avant tout par un Etat moins dispendieux qui permettrait une baisse des impôts, un Etat plus indépendant qui n’agirait plus en fonction des féodalités et luttes d’influence et enfin un Etat qui ne s’occuperait que de ses affaires, c’est-à-dire des affaires publiques et non des affaires privées de chaque citoyen…
La niche bride en définitive l’initiative et emprisonne le contribuable dans un schéma, tout comme la laisse attache le chien à sa niche…