La France s’est émue devant le projet incroyable initialement inscrit dans la loi de financement de la Sécurité sociale : taxer à 15,5% les produits d’épargne, en particulier certains produits de placement auparavant soumis à un taux de prélèvements sociaux plus faible.
Les placements concernés sont les PEA, les PEL, les PEP, l’épargne salariale et les vieux contrats d’assurance vie multisupports souscrits avant 1998.
Pourquoi uniquement ceux-là ? Tout simplement parce que ces placements sont les seuls qui soient encore exonérés d’impôt sur le revenu. Or, une disposition du code général des impôts prévoit que les produits de placement qui ne sont pas imposables ne sont soumis aux prélèvements sociaux que sur la partie des gains réalisés depuis l’entrée en vigueur de ces contributions. Cela signifie par exemple qu’un PEA souscrit en 1992 n’aura pas de prélèvements sociaux pour la part des gains réalisés jusqu’en 1997, aura 10 % de prélèvements sociaux sur les gains réalisés entre 1998 et 2003 (taux applicable à cette époque) et ne subira les 15,5 % de prélèvements sociaux que pour la seule plus-value réalisée depuis 2012. Les autres placements non exonérés d’impôt sur le revenu sont pour leur part soumis aux prélèvements sociaux au taux global de 15,5 % sur la totalité des gains. Les produits d’épargne pour lesquels les prélèvements sociaux sont pris tous les ans ne sont pas non plus concernés par la réforme puisque, de toute manière, ceux-ci subissent annuellement les prélèvements sociaux au dernier taux en vigueur. Il s’agit notamment des contrats d’assurance vie investis sur des fonds en euros, des CEL et de certains vieux PEL.
La mesure envisagée par le gouvernement consiste donc à appliquer désormais un taux global unique de 15,5 % sur tous les placements, qu’ils soient exonérés ou non, et quel que soit le moment auquel sont pris les prélèvements sociaux, pourvu que le gain ait été réalisé depuis le 1er janvier 1997, sans doute pour ne pas remonter à Mathusalem…
Autrement dit, il ne s’agit pas d’une nouvelle taxe, ni même d’une augmentation de taux mais d’une simple uniformisation qui va toucher avant tout des vieux placements. Dès lors, on peut se demander pourquoi cette annonce provoque un tel remue-ménage aussi bien chez les contribuables que chez les journalistes que l’on a rarement connu aussi réactifs face à une augmentation d’impôt.
En effet, si les prélèvements sociaux sont aujourd’hui au taux de 15,5 %, il n’existait pas il y a 20 ans et ont été créés au taux de 0,5 % en 1996 !
Quant au taux de 15,5 % lui-même, il est déjà applicable à nombre de cas : Plus-values immobilières ou mobilières, revenus fonciers, intérêts d’épargne, obligations, dividendes, fonds en euros des contrats d’assurance vie, etc.
Et ce taux prohibitif ne fait que s’ajouter à une ribambelle de mesures fiscales toutes plus pénalisantes les unes que l’autres pour l’épargne et le patrimoine, sans même parler de l’ISF. En droits de succession, l’abattement a ainsi été ramené de 160 000 € à 100 000 €. Le droit de partage qui frappe les successions et les divorces est passé de 1 % à 2,5 %, soit 150 % d’augmentation ! Les donations qui pouvaient être renouvelées tous les 6 ans doivent maintenant attendre 15 ans. Le prélèvement forfaitaire sur les plus-values mobilières a disparu faisant passer le taux maximum d’imposition de 34,5 % en 2012 à 60,5 % pour ceux qui sont dans la plus haute tranche. La disparition de l’abattement de 3 050 € sur les dividendes rend désormais imposables tous les petits épargnants. La baisse du quotient familial a rendu imposables des millions de foyers supplémentaires. Les familles de trois enfants, qui pourtant maintiennent en vie un régime de retraite par répartition à bout de souffle, vont désormais payer l’impôt sur la majoration de pension qui leur est accordée, etc. etc.
Or, ces mesures, récentes elles aussi, n’ont donné lieu qu’à de timides murmures de mécontentement fort peu relayés par la presse à l’époque.
La révolte actuelle n’est donc pas provoquée par la mesure elle-même mais s’explique par le fait que ce nouveau coup porté à ce qu’il reste de l’épargne des Français est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. L’exaspération était déjà son comble, elle a maintenant explosé. Les Français sont tous détenteurs d’un contrat d’assurance vie ou d’un PEL, riches comme pauvres, et tous ont bien saisi que les augmentations d’impôts n’étaient pas réservées aux riches. D’ailleurs, il y en a de moins en moins et l’Etat ne peut donc faire autrement que de taper aussi les pauvres, qui sont quant à eux de plus en plus nombreux…
Il s’agit d’un coup de semonce dont le gouvernement doit tirer les leçons : Les Français n’acceptent plus d’augmentation d’impôts, qu’elles soient déguisées ou non et quelles que soient leurs justifications.
C’est sans doute ce qu’ont compris les journalistes qui prennent le train en marche et amplifient par la même occasion le phénomène. Sans réaction jusqu’à présent face aux augmentations d’impôts, les médias ont pris conscience qu’il se passait quelque chose et ne veulent pas être en reste. En reprenant à leur compte la révolte des contribuables, ils lui donnent un supplément de justification et de légitimité et cristallisent un peu plus le mécontentement.
Cette affaire des prélèvements sociaux révèle donc trois choses : Les contribuables sont à bout, les journalistes l’ont enfin compris et l’influence des médias n’est pas à négliger en la matière…
Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés
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