Sébastien Laye : "Le plan Simplification s'attaque aux évidences mais esquive la réforme de notre système bureaucratique"

Écrit par Fabrice Durtal
bureaucratie-simplification-administrative © Marko Aliaksandr / Shutterstock

Entretien. Auteur d’une étude de Contribuables Associés consacrée à la simplification administrative, l'économiste Sébastien Laye analyse le "plan d’action simplification" du gouvernement et décerne bons et mauvais points. 

sebastien laye

→ Le gouvernement vient de dévoiler son plan pour la simplification administrative. Vous semble-t-il plus crédible que ceux annoncés en 2013, puis en 2021 ?

Ayant récemment été l'auteur d'une étude exhaustive de Contribuables Associés sur le sujet de la simplification, je peux, je crois, évaluer à leur juste mesure les annonces récentes. C'est la première fois qu'Emmanuel Macron, en sept ans, saisit réellement la portée du problème, et donc ce nouveau plan va bien au-delà de celui de 2021.

Le choc de simplification de François Hollande de 2013, sans épuiser le sujet, avait eu un réel impact sur cinq ans, débouchant sur la dématérialisation et la simplification de l'impôt sur le revenu, par exemple, et je crois que c'est la bonne jauge pour évaluer les mesures de Gabriel Attal. Bien mieux que 2021, au niveau du choc de 2013, en tout cas dans les intentions.

→ Quelles sont les mesures phares à retenir pour les particuliers ?

Il y a trois points positifs à retenir, mais seuls deux concernent les particuliers, ou un et demi...

Le premier est la feuille de paye simplifiée proposée par Bruno Le Maire. Si d'aucuns dénoncent cette mesure comme symbolique, elle a un potentiel didactique important, pour faire comprendre aux Français où va leur argent, le coût réel du salarié, des prestations sociales.

Nous demandions cette mesure dans notre étude en préconisant cinq lignes sur le bulletin de paie. Le projet en prévoit un peu plus, mais l'esprit de la réforme est là !

Deuxièmement, le recours à l'intelligence artificielle (IA) générative pour sortir des procédures les plus complexes est là aussi une voie prometteuse que nous explorons dans notre étude. Face à un personnel administratif parfois inaccessible et inefficace, des assistants virtuels 24h/24h seront vite adoptés par les usagers frustrés du service public. Bien sûr, le sujet de l'IA ne concerne pas que les particuliers mais aussi les entreprises.

→ Quelles sont les faiblesses de ce plan de simplification administratif ?

Il manque malheureusement l'essentiel. Comme dénoncé dans notre étude, le politique et l'État-Providence tendent en permanence à sécréter leurs propres normes, via la volonté des politiques et un droit bavard.

Or chez Gabriel Attal, je ne trouve aucune réflexion pour l'instant sur le rôle et le sens de la norme, le périmètre de la loi qui devrait s'en tenir aux principes généraux sans chercher à régenter tous les détails de notre vie, encore moins les linéaments d'une réforme de l'État qui ipso facto réduirait la bureaucratie.

Ce nouveau plan s'attaque aux évidences (dématérialisation, tests, consultations, présentation des documents) largement documentés et demandés depuis quelques années, et évite une réflexion d'ensemble sur notre système administratif.

→ Quelles sont les mesures phares destinées aux entreprises ? Et, par défaut, que manque-t-il à l'ensemble?

La principale mesure (mise en place chez nos voisins depuis plusieurs années, et qui fonctionne très bien), est le test PME : c'est le fait, lors de la production de la loi ou de la norme, de se poser la question de l'impact sur les entreprises.

Dans notre étude, nous parlions de tests TPE, pour protéger aussi les très petits entrepreneurs ou indépendants.

Au-delà, je ne retrouve pas la pérennisation d'une vraie politique de simplification pour les entreprises, avec par exemple des instances ad hoc qui chaque année tailleraient dans les normes en s'assurant qu'elles ne repoussent pas ailleurs...

Sans cette institutionnalisation de la politique de simplification qui deviendrait une priorité à chaque niveau, Attal et Le Maire ne pèseront pas lourd face aux producteurs des normes : élus, hauts fonctionnaires, lobbys...

→ Le recours annoncé à l'IA est-il un effet de mode, une incantation, ou un facteur de simplification administrative crédible ?

Non, cette technologie ne résoudra pas le problème de la complexité de notre Etat, mais elle peut abaisser les coûts de fonctionnement de notre administration et favoriser un bond qualitatif dans la simplification.

Mais le diable est dans les détails, l'exécution, et cela prendra plusieurs années, comme avec la numérisation. Il est bon d'engager cet effort dès maintenant, et sans dépendre des GAFAM.

→ L'IA ne risque-t-elle pas d'accroître le contrôle de l'État sur les Français ?

Elle permet aussi de résoudre la fraude, donc les fraudeurs peuvent redouter en effet cette forme de contrôle. Pour les autres qui n'ont rien à cacher, elle va simplifier le temps à remplir cette paperasse, préremplir les Cerfa avec de l'information dont l'administration dispose au préalable la plupart du temps, permettre de mieux comprendre les règles ...

→ Le fait que le gouvernement veuille faciliter le vote par procuration est-il lourd d’arrière-pensées électorales ?

Je suis étonné par cette mesure et je pense qu'elle ne sera généralisée que pour les Français de l’étranger : certains habitent très loin des bureaux de vote et donc procuration et vote par Internet devraient être la norme.

Incidemment, la majorité actuelle domine cet électorat, et trouvera là un bon moyen de récupérer des votes. En France hexagonale, une telle mesure favoriserait plutôt les votes impulsifs pour les extrêmes, d'où mon scepticisme sur la réelle volonté d'Attal en la matière...

→ La simplification administrative pourrait-aller jusqu'à permettre un vote 100% par Internet, par exemple, lors de la présidentielle ?

J'y suis favorable à titre personnel et au-delà à la multiplication des consultations directes par internet ou RIC (référendum d'initiative citoyenne) en ligne.

Ce n'est que ma position personnelle, et pour les raisons de stratégie politique évoquées, je doute que l'actuel pouvoir soit déterminé à mettre en place une telle mesure. Mais je ne souhaite qu'une chose : me tromper sur ce dernier point !

Propos recueillis par Fabrice Durtal

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L'excès de normes paralyse peu à peu la société française en créant des obligations qui sont autant de surcoûts et lenteurs pour les collectivités, les entreprises et les ménages.

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Publié le jeudi, 25 avril 2024

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