Le contrôle fiscal : un impôt de plus sur les impôts

Écrit par Contribuables Associés

Le témoignage d'un membre de Contribuables Associés qui a dû faire face à un “contrôle fiscal” qui s'est transformé en cauchemar pour le contribuable ! En définitive, le fisc aura surtout réussi à ponctionner un peu plus le contribuable...

 

Cela commence par une demande de renseignements du centre des impôts de Salon-de-Provence, qui « ne revêt pas de caractère contraignant ». On se demande tout de suite si on parle la même langue… Au final, la « non contrainte » pèse 1,4 kg pour près de 500 photocopies, afin de répondre au mieux à un courrier rédigé à la va-vite et parfois à la limite du compréhensible.

En photocopiant sans retenue, on a un peu le temps de réfléchir et on se rend vite compte que l’on fait en réalité le travail du fisc : nombre des renseignements sollicités sont en effet disponibles sans déranger le contribuable ; et quantité d’autres peuvent être contrôlés par un rapide travail de cohérence sur la déclaration de revenus. Mais le fisc français est un adepte de la grosse Bertha et le plus petit document photocopiable doit impérativement rejoindre ses caisses d’archives. Ne vous demandez donc pas pourquoi on vous demande la copie des 50 pages d’un jugement de divorce vieux de 25 ans, ou celle d’un titre de propriété qui peut comporter jusqu’à 80 pages… Il n’y a qu’un seul feuillet ou même un seul paragraphe dans de tels documents qui peut intéresser le fisc mais, peu importe, ne soyons surtout pas avares du travail des autres ! Bien sûr, dans la plupart des cas, un simple coup de fil au contribuable ou un rapide rendez-vous permettrait une belle économie de papier. Mais le fisc n’est vraiment pas écolo…

On dissèque ensuite vos 1,4 kg de photocopies, pour la plupart inutiles. Au bout de deux mois sans nouvelles, on se dit que la digestion a dû être satisfaisante, puisque l’on a eu la prévenance de vous écrire initialement qu’au-delà d’un tel délai « cet examen ponctuel est clos ». Mais le fisc ne parle vraiment pas notre langue ou il ne sait pas ce qu’il écrit : la proposition de redressement arrive au bout de deux mois et demi… Sans doute est-ce contestable, à condition que le Tribunal Administratif connaisse pour sa part la langue française et sache faire la distinction entre deux mois et deux mois et demi. Normalement oui, cela relève d’un cours en CM1, mais on a le droit d’avoir un léger doute. Et surtout, de votre côté, ne négligez surtout pas les délais : vous vous feriez plus vite aplatir qu’une mouche par une tapette !

La proposition de redressement elle-même a de quoi laisser perplexes les esprits les plus retors. Bien que très aimablement photocopiés et placés dans une sous-chemise séparée, une dizaine de justificatifs de dépenses a mystérieusement disparu. La sous-chemise a-t-elle malencontreusement glissé de la pile des 1,4 kg de documents pour atterrir par un mauvais hasard dans une corbeille facétieuse ? Ou y avait-il trop de chemises et sous-chemises pour que l’oeil acéré du contrôleur ne finisse par glisser vers l’horloge murale au mauvais moment ? Toujours est-il que l’on prétend rajouter à votre revenu imposable près de 10.000 euros en raison de « dépenses non justifiées ». Là encore, un simple coup de fil… Mais non, arrêtez de rêver, sinon on va bientôt vous taxer de mauvaise fois !

On est aussi surpris de voir qu’une simple addition peut poser problème. Evidemment, il s’agit de faire le total d’assurances pour loyers impayés qui ouvrent droit à un crédit d’impôt. A se demander si les calculettes fiscales ne sont pas un peu fainéantes quand l’addition est en faveur du contribuable… Toujours est-il que l’on veut au final vous rajouter 2.000 euros d’impôts qui ne sont pas dus : cherchez à qui profite le crime…

Normalement, on vous reconnait le droit de faire une erreur dans une déclaration d’impôts et vous pouvez la rectifier. Cela dépend quand même de la « doctrine fiscale », expression qui paraît tout droit empruntée à une mouvance sectaire… Si en débouclant un contrat d’assurance-vie, vous vous trompez d’option fiscale, surtout si votre assureur est un peu nul, là vous allez tomber sur plus sourd qu’un pot pour essayer de corriger le tir en votre faveur… En étant à peine mauvaise langue, la différence étant importante en terme d’impôts à payer, on peut se risquer à supposer que le fisc entend là concurrencer oncle Picsou. Il a pourtant été condamné par le Tribunal Administratif de Paris en 2011 pour « violation de la loi »… Qu’importe, la « doctrine fiscale » est plus importante et on vous répond d’ailleurs sèchement que l’administration a fait appel de cette décision. Voilà effectivement un excellent argument pour demeurer hors-la-loi !

La « doctrine fiscale » devait cependant être un peu bancale sur ce coup-ci, car Bercy a fait changer la loi en décembre 2012 pour interdire désormais à un contribuable de changer d’option fiscale après le rachat d’une assurance-vie. Deux précautions valent mieux qu’une… Mais cela revient aussi à reconnaître que l’on avait encore ce maigre droit en 2011… Reste à le faire accepter à ces têtes de mules, sans être obligés d’aller une fois de plus frapper à la porte du Tribunal Administratif.

Le fisc a aussi ses passions, il faut le lui reconnaître. Surtout en matière de défiscalisation, un domaine qui peut rapporter gros et sans aucune fatigue. Surtout avec un brin de malveillance… Par exemple sur un investissement en De Robien dans l’immobilier locatif. Les textes de lois étant un peu compliqués, le plus simple est d’essayer de faire baisser la surface fiscale du logement pour que le plafond de loyer applicable à un locataire soit dépassé. Rien de plus simple pour le fisc, en contestant par exemple la nature d’une terrasse qui, bien que remplissant toutes les conditions pourtant multiples et variées, se voit ravalée à l’état de vague terre-plein. Tant pis si vous êtes très fier de votre belle terrasse… Et on imagine les cris de joie à l’hôtel des impôts, car on a réussi à rendre inférieure au minimum fiscal la surface à prendre en compte de… 0,33 M2 ! Il est vrai que cela valait la peine de tordre le cou aux centimètres carrés, car la différence porte sur quelques milliers d’euros d’impôts… Et voilà un gros fraudeur débusqué et la machine à sous qui déclenche le jackpot. Et voilà l’horrible fraudeur obligé de se transformer en spécialiste du code de la construction pour expliquer au fisc que non, décidément non, sa petite terrasse de 9 M2 n’est pas suspendue dans le vide mais est bien rattachée à la construction… Essayez, cela promet d’être plus compliqué que de construire un pont suspendu.

En matière de lutte contre la défiscalisation, il y a cependant mieux : le Girardin industriel. C’est vrai qu’il n’a pas toujours bonne presse à cause de tous les aigrefins qui vivent dessus, mais on pouvait se sentir à peu près à l’abri par une souscription effectuée par l’intermédiaire d’un grand groupe bancaire. Eh bien non.

Malheur à vous si vous souscrivez donc dans la transition énergétique en outre-mer, d’autant plus que le Premier ministre vient encore d’appeler vos sous de ses voeux ces dernières semaines… C’est très suspect. Bercy délivre en effet les attestations fiscales nécessaires pour le processus de défiscalisation mais… s’empresse de les retirer une fois votre souscription encaissée ! Kafka n’aurait pas imaginé un meilleur scénario. Ce sont ainsi 20.000 redressements notifiés depuis le début de l’année, sous prétexte que des raccordements EDF pour des centrales photovoltaïques ont été faits au-delà d’une date limite. Peu importe que cette date fatidique ne concerne que les investissements à réaliser pour ces centrales, et non la pose d’un simple disjoncteur d’EDF qui peut prendre jusqu’à deux années de délai ! Mais le fisc aime bien emmêler les choses et sa fameuse « doctrine fiscale » l’autorise à confondre un investissement industriel avec le bon vouloir d’EDF pour sa mise en service. C’est tellement plus facile de vous redresser ainsi et, là encore, il y a des milliers d’euros à rafler… Multiplié par 20.000 dossiers, on transforme ainsi l’eau en vin et les crédits d’impôts en nouvel impôt, bien sûr majoré de 10% de pénalité pour manque à gagner et d’un autre 10% de plus pour retard de paiement. Ce que Kafka aurait aimé vivre chez nous !

En résumé, on s’aperçoit vite, quand on fait l’objet d’un banal contrôle fiscal, que le fisc ne cherche pas du tout à contrôler vos impôts… Il n’est visiblement pas fait pour une tâche aussi ingrate. En revanche, les moyens les plus inattendus et originaux sont excellents pour essayer de vous extirper un impôt de plus à payer. Un impôt sur vos impôts…


Par Jean-François Richard (Lambesc, Bouches-du-Rhône), membre de Contribuables Associés

Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c'est trop d'impôts, et contre les gaspillages scandaleux d'argent public !

Publié le lundi, 21 octobre 2013

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