Le gouvernement a reporté l’élection des nouveaux maires par leurs conseils municipaux au 15 mai, deux mois après les mesures de confinement qu’il a prises le 17 mars. Il laisse ainsi espérer que la crise sanitaire sera alors terminée et que la vie reprendra un cours normal.
Ce pari peut paraître raisonnable : moins de sept semaines après les mesures de confinement prises le 24 janvier par la Chine, l’épidémie y était jugulée.
Mais les mesures prises en Chine, comme à Taiwan (1 mort depuis le début de l’épidémie), à Singapour (0 mort), à Hong-Kong (4) étaient plus efficaces que celles prises en France : port d’un masque obligatoire pour tous et dépistage des malades par des tests ARN ou des radiographies des poumons, ce qui a permis d’isoler tous les malades, en vérifiant par le contrôle de leur téléphone portable et de leurs paiements qu’ils ne sortaient pas de chez eux.
En Chine, 96 % des décès ont ainsi été limités à la province du Hubei, où un confinement général et strict était maintenu. Dans les autres provinces chinoises et les autres pays d’Asie qui ont maîtrisé la crise sanitaire, de même qu’en Suède (16 morts) et en Autriche (6), les malades ont été dépistés et isolés. Les résultats ont été excellents.
Ainsi la Suède n’a-t-elle pas choisi le confinement général, ni même la fermeture des écoles.
Le dépistage des malades par des tests est limité dans notre pays « pour ne pas saturer la filière du dépistage » (communiqué du ministère de la Santé).
La « recherche systématique » est donc considérée comme « inutile ». Les tests sont réservés aux « cas graves et structures collectives de personnes fragiles ».
Aussi la France ne réalise-t-elle que 4 000 tests par jour, quand l’Allemagne, qui a commencé début mars à généraliser les tests, en fait 20 000 par jour, et a dix fois moins de morts.
En février 2011, la Direction générale de la Santé arrêtait le renouvellement des stocks périmés de masques. Aucun nouveau stock n’était prévu.
En 2013 le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale décidait que les stocks de masques FFP2 (destinés aux personnels soignants) seraient de la responsabilité de leurs employeurs (hôpitaux, cliniques, etc), les autres étant gérés par un organisme public.
Aucun contrôle de l’application de ces décisions n’a été effectué. Il n’y a donc plus de masques. L’absence de masques a conduit les autorités françaises à nier leur intérêt, et même à en interdire le port aux policiers.
Notre ministre de la Santé déclare qu’il est le seul au monde à avoir réquisitionné les stocks existants. Cela prouve seulement l’arrogance et l’inefficacité de notre politique étatiste.
Les Allemands et les Américains ont par habitant trois à quatre fois plus de respirateurs que les Français. Nous pourrions puiser dans notre NRBC (réserve stratégique nationale) mais cela n’a pas été décidé.
Le premier fabricant chinois, Mindray, n’est pas agréé en France, le premier européen (le suédois Getinge) comme les suivants, Hamilton, Lowenstein et Draeger, l’américain GE et les français, ont 12 semaines de délai.
Si l’épidémie s’étend, les médecins français devront, comme les italiens, choisir les malades à soigner, et donc augmenter le nombre de morts.
Le 25 février, le professeur marseillais Didier Raoult, spécialiste des maladies infectieuses tropicales, confirmait des résultats publiés par des médecins chinois qui avaient obtenu des résultats satisfaisants avec un médicament contre le paludisme, le plaquenil, à base de chloroquine, associé à un antibiotique utilisé contre les affections de la gorge et des bronches.
Ces résultats n’ayant pas fait l’objet d’un article dans une revue « à comité de lecture », Martin Hirsch, président du directoire de l’AP-HP (les hôpitaux de Paris) déclarait le 1er mars à Europe1 : "La chloroquine marche très bien dans une éprouvette, mais n’a jamais marché chez un être vivant". Un arrêté du 13 janvier du Directeur de la Santé l’avait d’ailleurs classée parmi les substances vénéneuses. Elle était jugée « inutile et dangereuse » par des médecins de la Pitié-Salpétrière.
Le 16 mars, le professeur Raoult confirmait ses premiers résultats. Le 19 mars le Président Trump recommandait le plaquenil aux Américains.
Le 21 janvier, la ministre Agnès Buzyn avait déclaré : “ Notre système de santé est bien préparé, les établissements de santé ont été informés et des recommandations de prise en charge ont été délivrées ». Le 24 janvier une note de l’INSERM indiquait que le risque d’importation du virus en France était de 5 à 13 %.
La ministre affirmait donc : « Le risque d'importation [du virus] depuis Wuhan est pratiquement nul ». Elle a reconnu par la suite que le gouvernement aurait dû reporter les élections municipales. Mais le président de la République les a maintenues, et aussi conseillé le 7 mars aux Français d’aller au théâtre (y allant lui-même), puis de sortir pour faire du jogging.
L’Europe a fermé ses frontières extérieures le 17 mars, mais seuls les Pays-Bas, l’Italie et la France (sauf avec l’Allemagne) n’ont pas fermé leurs frontières avec leurs voisins.
Ainsi, contrairement à ce qu’ils disent, nos dirigeants politiques, notre administration et notre système de santé n’ont pas pris les mesures, prises dans d’autres pays, qui auraient pu enrayer l’épidémie.
Le confinement qui a été choisi, moins draconien que le chinois, risque d’être insuffisant. La courbe des décès français suit, avec une semaine de retard, celle de l’Italie, qui est catastrophique. Face à ce drame, la politique sanitaire adoptée apparait légère.
Et le confinement causera une grave crise économique.
Le confinement généralisé a des conséquences économiques : arrêt du travail pour une grande partie des salariés et indépendants, fermeture de cafés, restaurants, hôtels, spectacles, commerces non alimentaires, écoles, transports (en particulier compagnies d’aviation). Certes les commerces alimentaires et Amazon voient leur chiffre d’affaires augmenter. Mais au total l’activité économique sera réduite.
Nos principaux dirigeants politiques (président de la République, Premier ministre, ministre de l’Économie) sont des énarques sans véritable expérience des entreprises, notamment des petites.
Devant ce risque économique ils ont réagi comme à leur habitude : en faisant confiance à l’Etat et en augmentant les dépenses publiques « quoi qu’il en coûte », comme a dit le président de la République.
Le ministre de l’Économie annonce 300 milliards d’euros de garanties de crédits données par l’Etat aux banques et 45 milliards d’aides: report des charges fiscales et sociales des entreprises dues en mars ; chômage partiel « le plus généreux d’Europe » ; fonds de solidarité pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1 million d’euros (coût : 1 milliard par mois, financé aux trois quarts par l’Etat et un quart par les régions).
Le ministre de l’Économie parle même de nationalisations. Le but est : « zéro faillite ». Aucune réduction d’impôt n’est prévue. Les «reports» d’impôts changent leur date de versement, mais pas les résultats des entreprises et donc leurs risques de faillite.
La ministre du Travail recommande aux employeurs de verser leur salaire aux salariés sans travail : « Ce sera autant d’argent dépensé en moins par l’Etat ». Mais la situation financière des entreprises en sera aggravée.
Le déficit public prévu pour 2020 devrait passer de 2,2 % du PIB à 3,9 %, soit une augmentation de 40 milliards d’euros (dont une partie serait due à de moindres rentrées fiscales).
Ainsi le gouvernement annonce-t-il des chiffres d’aides très élevés, mais dans ses prévisions budgétaires ne prévoit d’utiliser réellement que moins de 40/345 = 11 % des sommes annoncées. Sur les 40 milliards supposés utilisés, seul 0,75 concerne spécifiquement les petites entreprises.
Les grandes sociétés seront protégées, mais pas les PME.
Il y a eu 51 000 faillites en 2019. Le « zéro faillite » ne sera certainement pas atteint. La contradiction entre des annonces très ambitieuses et des résultats qui seront forcément décevants est flagrante.
Plutôt que de « reporter » des impôts, il aurait mieux valu diminuer sérieusement les impôts et charges sociales et réduire les gaspillages publics.
La formule « quoi qu’il en coûte » était une traduction en Français de « whatever it takes », la phrase prononcée par Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, le 26 juillet 2012, au moment où la crise grecque obligeait l’Espagne, le Portugal et l’Italie à emprunter à des taux compris entre 7 et 10 %.
Mario Draghi signifiait ainsi que la Banque centrale européenne émettrait assez d’euros pour que ces pays puissent emprunter à des taux raisonnables. Effectivement, le total du bilan de la BCE est passé de 530 milliards d’euros en 2012 à 4 673 à fin 2019. Comme la hausse des prix européenne est restée en-dessous de 2 % l’an, les Allemands ont laissé faire cette émission considérable d’euros, qui risquait de déclencher l’inflation.
Mais le Président français n’est pas le Président de la BCE. Il ne peut pas émettre des euros, ni même emprunter indéfiniment et dépasser pendant longtemps un déficit public de plus de 3 % du PIB. S’il le faisait, il risquerait non seulement des amendes de la Commission européenne, mais surtout de faire emprunter l’Etat français au même taux que les pays d’Europe du Sud en 2012.
Il fait prendre à notre pays un risque financier qui pourrait aggraver la crise économique et faire passer notre pays sous la coupe de l’Allemagne et de la troïka (FMI, BCE, Commission européenne), comme la Grèce en 2012.
« Quoi qu’il en coûte » ne sauvera pas la France comme « Whatever it takes » avait sauvé l’euro. C’est une formule dangereuse, qui traduit un état d’esprit peu sérieux, et décrit une politique aventureuse. Comme la crise sanitaire, la crise économique est traitée légèrement.
Alain Mathieu, président de Contribuables Associés
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