En termes de dépenses publiques, les projecteurs médiatiques se braquent avec insistance sur nos ministres et parlementaires. Les agissements des barons locaux émeuvent moins le grand public et pourtant, eux aussi vivent au-dessus de nos moyens. Régions, départements, intercommunalités, mairies riment avec effectifs pléthoriques, palais somptueux, voyages aux frais de la princesse, dépenses de communication faramineuses…
En octobre 2013, dans son premier rapport sur les finances publiques locales, la Cour des comptes avait demandé aux élus de réduire leurs dépenses de personnel afin de contribuer à l’effort de redressement budgétaire du pays. Il faut dire qu’elles avaient atteint des sommets, les dépenses des collectivités n’ayant cessé d’augmenter depuis les années 1980, avec les lois de décentralisation et la création de la fonction publique territoriale dans sa forme actuelle.
Entre 2002 et 2013, les effectifs de la fonction publique territoriale ont grossi de 405 000 agents (les agents territoriaux sont près de 2 millions en 2019 contre 1,2 million en 1985), pour la moitié recrutés dans les communes et les établissements intercommunaux. Et ce, « alors que ces entités n’ont pas fait l’objet de nouveaux transferts de compétences de la part de l’État à la différence des départements et des régions », constatait la Cour des comptes.
Il y a eu un petit mieux à partir de 2014. Mais ce sont contraints et forcés que les édiles locaux se sont serré la ceinture, même si arrêt de la hausse des dépenses ne veut pas dire pour autant diminution d’icelles… Les gouvernements Ayrault et Valls ne leur avaient pas laissé le choix, en diminuant les concours financiers de l’État aux collectivités locales de 7 milliards d’euros en deux ans.
Au total, la dotation globale de fonctionnement versée par l’État aura baissé de 10,2 milliards entre 2014 et 2017. Une première historique qui demande à être réitérée.
Car depuis les dépenses sont reparties à la hausse, comme a pu le constater l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGL) en juillet 2018 : une augmentation de 1,8 % en moyenne des dépenses de fonctionnement en
2017. + 10,2 % dans les régions. Et ce n’est pas fini, car les municipales 2020, et les cadeaux pré-electoraux qui vont avec, approchent. Contribuables, planquez-vous !
C’est aux échelons municipal et intercommunal que les recrutements ont été menés à tout-va ces quinze dernières années, une vraie déferlante. L’intercommunalité était censée mutualiser les moyens humains, organisationnels, financiers et conduire à des économies d’échelle dans les transports, les déchets, l’eau…
Elle a provoqué l’effet inverse et créé des doublons de personnel entre mairies et communautés de communes. On nous promettait du mieux avec la généralisation des intercommunalités sur l’ensemble du territoire.
Las, avec les « intercos » et autres métropoles, les élus commettent des bêtises en plus grand.
Loin de réaliser des économies d’échelle, les regroupements communaux se traduisent par une augmentation des dépenses publiques et par voie de conséquence des impôts et de l’endettement au niveau local.
On nous a seriné la même antienne avec la fusion des régions en 2016, qui passant de 22 à 13, devait permettre de faire des économies. Que nenni ! (lire page 12). Dans les Hauts-de- France, nouvelle entité issue de la fusion des Régions Nord-Pas-de-Calais et Picardie, le seul changement de logo sur les TER aura coûté rien moins que 10 millions d’euros (30 000 euros par train)…
Globalement, les conditions de travail des agents territoriaux sont bonnes, ce qui n’empêche pas l’absentéisme, bien au contraire.
En 2015, les chambres régionales des comptes ont effectué un contrôle dans 103 collectivités, et elles n’ont pas été déçues du voyage : la durée de travail théorique des agents y était en moyenne de 1 562 heures par an au lieu des 1 607 heures fixées par la loi, et seulement 20 % des collectivités avaient respecté la durée de travail réglementaire…
Selon une étude du courtier en assurance Sofaxis, l’absentéisme pour raison de santé des agents des collectivités a progressé de 33 % entre 2007 et 2017. Soit une moyenne de 39 jours d’absence contre 17 dans le secteur privé. 85 % des absences pour raison de santé sont le fait de « maladies ordinaires » qui laissent les agents sur le flanc en moyenne 22 jours par an, tout de même…
Le coût pour le contribuable n’est pas négligeable : 926 euros par an et par agent, selon Sofaxis.
La publicité et les relations publiques sont un autre soufflé que les finances locales ont du mal à digérer. Les dépenses de communication des collectivités ont été chiffrées à 1,5 milliard d’euros par la Cour des comptes en 2013. Le coût des déplacements et des réceptions étant de plus de 300 millions d’euros par an (chiffres 2012).
Les dépenses de com’ des élus locaux recouvrent beaucoup de choses : les traditionnels petits fours, les séminaires de travail sous les Tropiques, via la coopération décentralisée ou le syndicat des eaux.
Ou encore les joies de l’auto-promo, comme avec le président divers droite du Conseil départemental de Haute-Savoie, Christian Monteil, épinglé par Le Canard enchaîné pour avoir fait dépenser 14 999 euros en 2015 avec l’achat de faux profils Twitter, afin de faire grandir artificiellement la popularité de son département sur le réseau social.
En bons potentats, certains élus locaux veulent siéger dans un vrai palais républicain et le font construire. Montpellier a battu tous les records. Le budget de l’actuelle mairie voulue par feu Georges Frêche, signée Jean Nouvel et
inaugurée en 2011, a fait mentir les pronostics les plus sombres. Ce bâtiment vitré à l’aspect massif a coûté finalement 174 millions d’euros aux contribuables, contre 130 initialement prévus.
Et que dire de ces centaines de projets ubuesques ou inutiles mais toujours extrêmement coûteux qui fleurissent au quotidien dans notre beau pays.
C’est, par exemple, la communauté de communes Creuse Grand Sud (26 villages,12 400 habitants) qui fait venir Patrick Sébastien à Aubusson pour un concert à 50 000 euros en 2015, et qui construit une super piscine intercommunale à 9 millions d’euros. Tout ça pour se retrouver avec un trou de 4,2 millions d’euros à combler et des faux en écriture qu’il va falloir expliquer devant les tribunaux…
C’est le Conseil général de l’Oise, qui offre pendant des années 100 000 ordinateurs et tablettes aux collégiens du département pour un coût de 47,5 millions d’euros, entre 2008 et 2015. Lesdits appareils étaient utilisés à peu près pour tout, sauf à l’école, voire étaient mis en vente sur le site Leboncoin…
La folie dépensière de nos élus locaux s’illustre aussi par nos 50 000 ronds-points (un record mondial), bubons routiers à l’esthétique douteuse qui satisfont la mégalomanie des édiles, quand ils n’engraissent pas leurs amis
du BTP, rétro-commissions à l’appui.
Masque « vaudou » d’André Malraux à Pontarlier, saucisse de Strasbourg géante en équilibre sur une bouée rouge à Montpellier, soucoupe volante sur le « rond-point de l’Espace », près de Nantes… Coût de la «blague» : jusqu’à 1 million d’euros pour une installation ornementée.
La réduction drastique des dépenses locales passe d’abord par la suppression d’au moins un échelon administratif et la fin du statut de fonctionnaire pour les Territoriaux. Ces agents doivent être moins nombreux et plus efficaces : permettre aux collectivités de recruter leurs personnels sous le régime du droit commun, c’est réduire les coûts et rendre l’administration plus flexible, plus adaptée aux réalités du terrain.
Il faut encourager les communes économes. L’État ne doit plus inciter par ses subventions les collectivités à dépenser plus, mais au contraire réserver ses aides à celles qui dépensent le moins.
Il convient également de définir les compétences exclusives de chaque type de collectivité qui ne doit plus se mêler de tout et de n’importe quoi, et d’attribuer à chaque collectivité un seul et unique impôt dont elle serait décisionnaire, afin de responsabiliser les élus.
Enfin, le déclenchement automatique d’un référendum financier pour approuver toute dépense locale importante serait une bonne chose.
(Article extrait du Livre noir des gaspillages 2019)
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