Les propriétaires immobiliers ont intérêt à regarder dès à présent comment et surtout quand déduire leurs dépenses de travaux à venir, au cas où le prélèvement à la source entrerait malheureusement en vigueur dès l’année prochaine. L’usine à gaz montée par Bercy pour éviter que l’année « blanche » de 2017 ne se transforme en aubaine pour les contribuables conduit à gérer avec doigté la date des travaux à réaliser.
Ce qui risque de conduire à une grave crise du bâtiment en 2018…
Notons que cela ne concerne que les dépenses de travaux relevant de la seule décision du propriétaire et non les charges récurrentes ou les travaux de copropriété faisant l’objet d’appels de provisions.
Rappel sur l’année blanche
Afin de gérer l’année blanche consistant à ne pas imposer les revenus de l’année 2017 – puisque les Français paient en 2017 leur impôt sur leurs revenus 2016 et paieront en 2018 leur impôt immédiatement sur leurs revenus 2018 – le gouvernement a créé un crédit d’impôt qui, en pratique, évite la double imposition en effaçant l’impôt sur les revenus 2017.
Dans les faits, avec la mise en place du prélèvement à la source, le contribuable déclarera ses revenus 2017 comme tous les ans et l’administration calculera son impôt théorique comme d’habitude mais annulera le paiement en créant un crédit d’impôt d’un montant équivalent.
Comme il n’y a pas d’impôt à craindre, les dépenses déductibles deviennent donc inutiles en 2017. Notamment pour les revenus fonciers car le premier moyen pour diminuer leur imposition consiste souvent à engager des dépenses de travaux déductibles.
Les savants de Bercy ont donc inventé un système censé dissuader les propriétaires immobiliers de décaler leurs travaux après 2017 :
- En 2017, le contribuable déduit tous ses travaux dans les conditions de droit commun.
- En 2018, il déduit la moyenne des dépenses de travaux déductibles payées en 2017 et 2018, c’est-à-dire la moitié.
Autrement dit, le contribuable ne peut déduire que la moitié de ses dépenses en 2018 s’il n’a rien dépensé en 2017 mais peut à l’inverse déduire 150 % de ses dépenses de 2017 s’il ne dépense rien en 2018 ! En réalité, des exemples concrets montrent que :
- Le contribuable a tout intérêt d’attendre 2019 pour réaliser ses travaux.
- Il n’a pas forcément intérêt de les réaliser en 2017.
- Il n’a en tout cas aucun intérêt à en réaliser en 2018…
Quand faut-il réaliser ses travaux ?
En effet, les déductions de 2017 restent en tout état de cause inutiles sur 2017 du fait du crédit d’impôt et la déduction en 2018 de la moyenne des dépenses effectuées en 2017 et 2018 incite à reporter en 2019 les dépenses prévues en 2018 pour optimiser les 50 % de dépenses effectuées en 2017 et qui pourront être déduites en 2018.
Prenons l’exemple du propriétaire d’une maison donnée en location dont il doit refaire la toiture. Dépense classique qui, sauf tempête, peut se programmer plusieurs années à l’avance. La toiture coûte 20 000 euros et se révèle la seule dépense de travaux constatée entre 2016 et 2019.
S’il l’a réalisé en 2016, il déduit bien 20 000 euros puisque l’impôt est calculé payé et normalement en 2017 sur les revenus 2016.
S’il la réalise en 2017, elle ne sert à rien fiscalement puisque, de toute manière, les revenus fonciers ne sont pas imposables du fait du crédit d’impôt. Il aura seulement 10 000 euros de dépenses déductibles au titre des revenus 2018 (soit 50 % des dépenses constatées au global en 2017 et 2018).
S’il la réalise en 2018, il ne pourra là encore en déduire que la moitié, soit 10 000 euros, pour la même raison que précédemment.
S’il la réalise en 2019, il déduira bien 20 000 euros puisqu’il sera revenu dans le calcul de droit commun de la déduction de la totalité des dépenses de travaux…
Supposons maintenant un propriétaire qui doit à tout prix refaire en 2017 la toiture qui fuit mais hésite à en profiter pour ravaler la façade de la maison, sachant que c’est un nouveau coût de 20 000 euros. Un rapide calcul montre une nouvelle fois que le contribuable optimisera la dépense de ravalement s’il la reporte sur 2019 :
1re hypothèse : dépenses totales réalisées dès 2017
La dépense totale de 40 000 euros est déduite des revenus 2017 mais comme ceux-ci bénéficient de toute manière d’un crédit d’impôt, l’intérêt est nul en 2017.
En 2018, il déduit la moitié des dépenses de 2017 et 2018, soit : 40 000 x 50 % = 20 000 euros
Le montant total ayant donné lieu à une déduction effective s’élève donc à 20 000 euros.
2e hypothèse : Dépense de toiture en 2017 et dépense de ravalement en 2018
La dépense de toiture de 20 000 est d’un effet fiscal nul en 2017 puisque de toute manière l’impôt correspondant aurait été effacé par le crédit d’impôt.
En 2018, il déduit là encore la moitié des dépenses de 2017 et 2018, soit : 40 000 x 50 % = 20 000 euros
3e hypothèse : Dépense de toiture en 2017 et dépense de ravalement en 2019
La dépense de 2017 est annulée par le crédit d’impôt (voir ci-dessus)
En 2018, il déduit la moitié des dépenses de 2017 et 2018, soit : 20 000 x 50 % = 10 000 euros
En 2019, il déduit les 20 000 euros de dépense de ravalement puisque nous sommes revenus dans le droit commun.
En reportant une dépense de 2018 à 2019, le contribuable profite donc, d’une part, de la déduction en 2018 d’une dépense fictive correspondant à 50 % des dépenses de 2017 et, d’autre part, de la déduction totale des dépenses 2019. Il déduit donc en définitive 30 000 euros au lieu de 20 000 euros…
Notons au passage que si le propriétaire avait pu ne payer sa toiture qu’en 2019, ce serait 40 000 euros de déduction fiscale qui aurait joué à plein…
Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés