La rétroactivité fiscale consiste aussi parfois à baisser des taxes quand cela arrange les amis du législateur…
Bien que le gouvernement ait promis qu’une mesure fiscale ne pouvait plus être rétroactive, les députés viennent de voter un amendement à la loi de finances dont le seul objet est… d’être rétroactif.
Il s’agit en l’occurrence du taux de TVA sur la presse en ligne. Jusqu’en 2014, les sites internet d’information étaient soumis à une TVA à 20 %, alors que la presse écrite bénéficie depuis toujours d’un taux ultra-réduit de 2,1 %. Mécontents de cette différence de traitement, deux sites d’information payante, Mediapart et Arrêt sur Images, s’étaient donc en parfaite connaissance de cause appliqués le taux de 2,1 % tout en activant un lobbying intense pour que la loi finisse par ratifier leur pratique qu’ils savaient illégales. Cela fut fait avec la loi du 27 février 2014 qui calque le régime de TVA de la presse en ligne sur celui de la presse écrite.
Pour leur malheur, toutefois, l’administration fiscale ne s’en était pas laissé compter et avait dans l’intervalle redressé les deux sites au titre des années antérieures. Ce qui était assez logique puisque la TVA applicable alors était indubitablement au taux de 20 %.
Pour aider leurs amis journalistes, les députés viennent donc de voter un amendement appliquant rétroactivement le taux de 2,1 % dès 2009. La mesure doit permettre d’annuler les redressements d’un montant de 4 M€ et 540 000 € respectivement réclamés à Mediapart et Arrêt sur Images…
Noël approchant, certains à l’Assemblée ont ainsi jugé que c’était l’époque des cadeaux. Et tant pis si la mesure est parfaitement amorale et d’autant plus injustifiée qu’elle ne fait qu’encourager à la fraude fiscale en blanchissant des contribuables qui avaient sciemment transgressé la loi.
Reste maintenant à savoir si le texte, voté contre l’avis du gouvernement qui n’a pas osé avaliser un tel comportement, a de réelles chances de prospérer.
D’abord parce qu’il n’est pas certain qu’un texte aussi ouvertement rétroactif et orienté vers certains bénéficiaires respecte les principes constitutionnels de sécurité juridique et d’égalité devant les charges publiques. Ensuite, parce que Bruxelles a rappelé que, de toute manière, le texte est contraire au droit européen qui n’autorise pas le taux réduit de TVA pour la presse internet. Si même l’Europe le dit…
(Source : Projet de loi de finances rectificative pour 2015).