Le gouvernement veut prélever l’impôt sur le revenu à la source. Nombre de raisons de simple bon sens militent pourtant contre cette idée…
Le gouvernement a annoncé son intention d’initier la grande réforme consistant à instaurer la retenue à la source de l’impôt sur le revenu. Le but est de prélever l’impôt en même temps que le revenu est perçu par le contribuable. Présentée comme un gage de simplicité et d’efficacité, la réforme évoquée soulève pourtant nombre d’objections et d’interrogations. Ne parlons même pas de la manière dont sera traitée l’année de transition, puisque pour l’instant l’impôt est payé par voie déclarative avec une année de décalage. Cela veut-il dire que l’on paiera deux fois l’impôt lors de la mise en place de la retenue à la source ou que l’Etat fera l’impasse sur une année d’imposition ? Les deux hypothèses sont irréalistes et révèlent déjà un pan des difficultés que devra affronter le gouvernement qui se lancera dans une telle aventure.
Quoi qu’il en soit, nous pouvons dès à présent opposer quelques objections de bon sens à cette réforme :
- Tout d’abord, il existe déjà la mensualisation adoptée par 73 % des contribuables. Ajoutée au prélèvement bancaire, cela permet à ceux qui le souhaitent de lisser leur impôt sans s’inquiéter d’un éventuel oubli. On ne voit donc pas ce qu’apportera de plus une retenue à la source de ce point de vue.
- Si certains contribuables sont imprévoyants, ce n’est pas une raison pour en faire subir les conséquences aux contribuables prudents. Ceux qui sont responsables n’ont pas à payer pour les autres.
- Il paraît que la retenue à la source existe dans tous les autres pays et qu’il faut donc nous aussi l’adopter. La France est pourtant fière de mettre en avant son exception culturelle, sociale, laïque et autre. Pourquoi devrait-elle forcément s’aligner lorsqu’il s’agit de l’impôt ? cela veut-il aussi dire que les tenants de la retenue à la source sont favorables à la suppression de l’ISF qui n’existe qu’en France ?…
- La retenue à la source existe déjà pour la fiscalité de l’épargne, la CSG-CRDS et les cotisations sociales. Or, la CSG-CRDS est purement française, notre fiscalité de l’épargne est parmi les plus élevées du monde et nos cotisations sont aussi parmi les plus lourdes. Autrement dit, nous avons déjà autant de retenue à la source que les autres. Ajouter les pensions et salaires signifieraient simplement que nous dépasserions les autres pays en termes de prélèvements à la source.
- Les travailleurs non salariés ne peuvent profiter des joies de la retenue à la source puisque leur revenu net n’est connu qu’après la clôture de l’exercice. Cela ne créera-t-il pas une inégalité entre salariés et non salariés ?
- La mise en place de la retenue à la source demandera de lourds développements chez les employeurs, les caisses de retraites ou les banquiers. Qui paiera ces frais ?
- Au vu des centaines de niches fiscales qui existent en France et corrigent les impôts de tout un chacun, la retenue à la source ne fera pas l’économie annuelle d’une déclaration pour chaque foyer.
- Puisque des millions de foyer profitent de ces niches sous formes de réduction ou crédit d’impôt, cela signifie aussi que ceux-ci paieront d’abord trop d’impôt que l’Etat devra ensuite rembourser. Est-il sain que la retenue à la source ne soit plus qu’une technique de cavalerie budgétaire pour un Etat exsangue ?
Et il ne s’agit là que de simples remarques pratiques. Si on y ajoute l’atteinte au consentement à l’impôt qui sera alors définitivement subi, l’anesthésie fiscale ainsi créée et les questions d’atteinte à la vie privée liées aux informations qu’il faudra fournir à l’employeur ou au banquier, on peut vraiment s’interroger sur l’opportunité d’une telle mesure.