Comment un trésor privé devient une manne pour le trésor public

Écrit par Contribuables Associés

La nouvelle a fait grand bruit : un héritier chanceux a découvert à Évreux 3,5 millions d'euros en pièces et lingots d’or cachés un peu partout dans la maison qui lui avait été léguée.

 

Le notaire et le commissaire-priseur ont loué l’honnêteté fiscale du contribuable qui, paraît-il, a tout vendu lors de récentes ventes aux enchères. Amusons-nous donc un peu à imaginer la fiscalité qui est tombée sur notre héritier en même temps que le trésor.

Tout d’abord, les droits de succession puisqu’il est probable que l’or a été découvert et donc déclaré moins de 6 ans après le décès de l’ancien propriétaire.

Au vu des montants, si l’héritier que nous ne connaissons pas est un descendant en ligne directe du défunt, il paiera tout de même 45 % de droits. S’il s’agit juste d’un ami ou d’un lointain cousin, cela se montera à 60 %.

Évidemment, l’héritier a sans doute payé les droits supplémentaires en retard puisqu’il n’avait que 6 mois à partir du décès pour payer. En supposant qu’il ait payé avec un an de retard au tarif de 0,4 % par mois, cela fait à peu près 5 % de pénalités en plus.

Ensuite, le défunt était en principe passible de l’ISF. Au vu de la manière dont l’or était caché, on peut cependant douter qu’il l’ait déclaré.

Il y a donc fort à parier que le fisc réclame son dû à l’héritier sur les années non prescrites, donc jusqu’à 6 ans, sachant que le taux d’imposition sera de 1 ou 1,25 %, plus là encore intérêts de retard.

Sans oublier bien sûr l’éventuel redressement de l’héritier lui-même qui, par hypothèse, n’a pas déclaré le trésor avant sa découverte mais en était déjà propriétaire…

Fort heureusement, comme les pièces et lingots ont sans doute été déclarés à leur vrai prix avant leur mise à l’encan, le joyeux propriétaire a par contre dû éviter l’impôt sur la plus-value ou la taxe de 10 % sur les métaux précieux.

En France, rien n’est fiscalement impossible

En définitive, l’arrière-petit-neveu de province, après avoir joui quelques instants d’un trésor privé de 3,5 millions d’euros, est donc peut-être en train de laisser jouir à son tour le trésor public de 2,1 millions d’euros de droits de succession (3,5 x 60 %), 100 000 euros d’intérêts de retard (2,1 millions d’euros x 5 %) et environ 250 000 euros d’ISF (en comptant 6 ans pour le défunt et 1 an pour l’héritier à 1 %), sans compter l’intérêt de retard pour l’ISF…

Bref, l’opération risque de rapporter en définitive près de 2 millions et demi à l’État pour ne laisser qu’un petit million au contribuable. Ce n’est bien entendu qu’une pure extrapolation intellectuelle mais si la vérité rejoignait la réalité ? En France, rien n’est fiscalement impossible.

D’autant que si l’intéressé avait découvert fortuitement le trésor dans un lieu dont on n’aurait pu déduire qu’il en était héritier, il n’aurait eu aucun droit à acquitter puisque la découverte fortuite d’un trésor ne peut en effet être assimilée à un revenu imposable.

De même, si la découverte n’avait eu lieu qu’au bout de 6 ans, le temps pour la prescription de faire son effet, l’héritier aurait pu opposer la prescription tout en prouvant la provenance de l’or, le trésor étant accompagné de tous les justificatifs d’achat, et jouir ainsi en toute tranquillité d’un trésor net d’impôt.

Comme quoi il suffit parfois de peu de chose…

Olivier Bertaux, expert fiscal de Contribuable Associésolivier bertaux contribuables associes

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Publié le lundi, 28 novembre 2016

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