Après le quotient familial, c’est au tour du quotient conjugal d’être attaqué : les contribuables ne vont pas s'en réjouir.
Rappelons que le quotient conjugal consiste à calculer l’impôt au niveau du foyer en additionnant les revenus respectifs de chaque époux et en attribuant deux parts au foyer. Il en ressort une économie d’impôt dès que l’un des conjoints gagne plus que l’autre puisque la progressivité de l’impôt est alors atténuée.
Un nouveau rapport parlementaire « sur la question des femmes et du système fiscal » (sic) présenté par « la députée » Catherine Coutelle propose de remettre en cause ce système. Le motif avancé est de progresser en matière de droit de la femme. Il est toutefois rappelé à cette occasion que la disparition du quotient conjugal ferait gagner 5,5 milliards d’euros à l’Etat. Vu du côté du contribuable, cela signifie donc surtout qu’il faudra payer 5,5 milliards d’euros en plus !
Quoi qu’il en soit, l’argumentaire se révèle pour le moins spécieux, voire contradictoire. Ainsi, le parlementaire explique doctement que du fait de la progressivité de l’impôt, le second conjoint (entendez la femme…) est incité à ne pas travailler puisque tout ce qu’elle gagnerait serait immédiatement taxé dans les hautes tranches de l’impôt sur le revenu du fait de la mise en commun des revenus. Au nom de la protection de la femme, il faudrait donc que celle-ci puisse faire sa déclaration propre. Or, une telle constatation devrait surtout conclure à la nocivité de la progressivité et non à celle du quotient conjugal. Il s’agit en effet de l’aveu simple qu’avec une tranche marginale d’imposition à 45 %, c’est-à-dire 60 % en ajoutant la CSG et les contributions exceptionnelles, n’importe quel sujet fiscal est poussé à cesser le travail au-delà d’un certain niveau de revenus, peu importe que l’on se mette à deux ou que l’on reste tout seul pour atteindre ce niveau…
Dans le même temps, le rapport reconnaît que désormais la femme gagne plus que son mari dans un cas sur quatre. Dès lors, le motif égalitaire pour justifier l’abandon du quotient conjugal est déjà à moitié caduc selon les propos mêmes des intéressés. Sans compter que Catherine Coutelle semble ignorer la grande avancée fiscale du mariage homosexuel qui, par hypothèse, ne permet pas de « sexualiser » la différence de revenus…
Enfin, la susdite Coutelle souhaite « progresser en matière de gender budgeting » (sic) et « poursuivre les efforts afin de mieux appréhender les effets sexués des politiques gouvernementales » (resic). Loin de nous l’idée de plaindre son mari (si tant est qu’il existe…) mais peut-être faudrait-il rappeler à madame que l’absence totale ou partielle d’activité professionnelle de l’épouse est aussi un choix. Certains couples continuent de vouloir répartir les tâches du foyer de manière classique (certains diront archaïques) et ne pensent pas qu’il faut forcément que les deux travaillent en prévision d’une séparation statistiquement probable. Or, le quotient conjugal est un moyen de respecter ce choix. Grâce à ce dispositif, somme toute neutre, les deux conjoints apportent leur contribution financière au foyer. L’un par des espèces sonnantes, l’autre par l’économie d’impôt consécutive à l’application du quotient conjugal. Individualiser les revenus aboutirait donc à sanctionner ceux qui font le choix de cette répartition des tâches au sein du foyer : Deux fois plus d’impôt pour celui qui ramène les sous et aucune réduction d’impôt pour l’autre…
On le voit donc, la nouvelle offensive contre l’impôt conjugal revêt deux aspects, l’un idéologique et l’autre financier. Il s’agit de faire d’une pierre deux coups : On attaque une fois de plus la famille au nom d’un individualisme forcené et en plus on augmente les impôts sans le dire…
Et pourtant le parlementaire indique avec justesse qu’« en tout état de cause, ce n’est pas à la fiscalité de décider ou d’influencer le mode de vie des citoyens ». Pourquoi choisir alors la voie de la réforme fiscale pour contraindre les familles à abandonner un mode de vie librement consenti ? Car l’exemple montre que si la femme n’est pas particulièrement gagnante dans l’opération, le contribuable sera obligatoirement perdant :
Supposons trois couples, que nous choisirons asexués pour ne froisser personne :
1) Epoux 1 et 2 gagnent chacun 37 500 € :
– Impôt avec le quotient conjugal (2 parts) : 11 278 €
– Impôt sans quotient conjugal (2 x 1 part) : 5 639 + 5 639 = 11 278 €
2) Epoux 1 gagne 50 000 € et Epoux 2 gagne 25 000 € :
– Impôt avec le quotient conjugal (2 parts) : 11 278 €
– Impôt sans quotient conjugal (2 x 1 part) : 9 389 + 2 150 = 11 539 €
3) Epoux 1 gagne 75 000 € et Epoux 2 gagne 0 € pour l’éducation des enfants :
– Impôt avec le quotient conjugal (2 parts) : 11 278 €
– Impôt sans quotient conjugal (2 x 1 part) : 17 286 + 0 = 17 286 €
Comme on le voit, sauf cas marginaux de la franchise ou de la décote, la disparition du quotient conjugal n’est jamais gagnant pour le contribuable et pénalise d’autant plus qu’un des deux conjoints choisit de moins travailler professionnellement pour assumer davantage les travaux familiaux.
Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés
Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c'est trop d'impôts, et contre les gaspillages scandaleux d'argent public !