« Ce n’est pas en venant au salon qu’on obtient des suffrages, c’est en faisant des propositions, en donnant une vision », a dit François Hollande au Salon de l’Agriculture. Chiche ! Qu’il nous propose une politique agricole de gauche.
Les agriculteurs votent majoritairement à droite et notre politique agricole est dictée par la FNSEA dominée par les plus gros agriculteurs. Son président, Xavier Beulin, cultive 500 hectares, soit dix fois plus que l’exploitant moyen.
Notre politique agricole est scandaleusement inégalitaire
L’argent public va à des gens qui n’en ont nul besoin ! Les 3 premiers bénéficiaires, révélés pour la première fois en 2012, ne sont pas agriculteurs. Lepremier est le volailler Doux, avec 55 millions. Ce qui n’a pas empêché sa faillite. Le second est le Comité régional de reconversion du vignoble de Languedoc-Roussillon (32,4 millions), suivi de la Sucrière de la Réunion (31 millions).
Malheureusement, sous prétexte du respect de la vie privée, on cache désormais les noms des bénéficiaires. Dans la liste publiée en 2012 on trouvait ceux de Rothschild, de Dassault et du prince de Monaco, qui a des terres dans l’Aisne. Désormais on sait seulement que, pour 2012, 4.500 exploitants ont reçu chacun plus de cent mille euros, alors que les 304.000 autres n’ont eu que 22.300 euros en moyenne, ce qui ne laisse que 1.858 euros par mois. Peut-on imaginer politique plus inégalitaire ?
Cette politique agricole est un échec total
Nous avons perdu 160 000 paysans entre 2000 et 2010. Alors qu’il y en avait encore un million en 1988, la FNSEA estime qu’il ne reste que 341 000 exploitations professionnelles. Mais en appliquant des critères réalistes, par exemple un revenu moyen correspondant au SMIC, il en reste en réalité moins de 250 000 (IFRAP, Société Civile, 106, octobre 2010, p. 16).
Ce déclin est dû, non pas à la Politique Agricole Commune (PAC), mais à l’interprétation que nous en donnons. L’Allemagne vient de nous dépasser pour le volume des exportations agro-alimentaires. Alors que sa surface cultivée n’est que deux tiers de la nôtre, et sa part de l’agriculture dans le PIB moins de la moitié. En 1980, nous exportions deux fois plus que l’Allemagne. Depuis 2007 elle nous dépasse et creuse l’écart chaque année. L’Allemagne exporte même désormais plus de fromage que nous !
Un système sclérosé qui survit à coups de subventions
Aux obligations de la PAC, le gouvernement français, à la demande la FNSEA, a ajouté toutes sortes de contraintes.
Exemple : je n’ai pas pu boire de lait cru au Salon de l’agriculture de l’année dernière car, par un arrêté du 30 juillet 2012 : « la vente au public de lait cru issu des animaux présents au Concours ou au Salon international de l’agriculture (ainsi que le don en vue de la dégustation) est interdite. » Du coup cent mille litres de lait sont partis dans les égouts de Paris !
Ces contraintes ont abouti à un système de plus de trois cents subventions accordées dans des conditions d’opacité et de connivence qui en empêche l’évaluation. Nos agriculteurs doivent financer de multiples organismes qui monopolisent des filières dominées par la FNSEA (céréales, viande, lait, vin). Ils sont obligés de payer des contributions volontaires obligatoires – admirez la contradiction ! — évaluées à plus de 300 millions d’euros, mais qui ne font l’objet d’aucune statistique sérieuse. « Sur ce pactole et les poches dans lesquelles il atterrit, on ne saura donc pas grand chose.» (Canard enchaîné, 11-1-2012).
Que faire pour rendre la PAC efficace ?
Puisque, à l’évidence, cette politique a lamentablement échoué, nous devons trouver autre chose. Je propose une politique simple et égalitaire. Remplaçons le maquis bureaucratique de 300 subventions par un paiement unique correspondant à deux Smic, car la plupart des exploitants travaillent en couple. Le Smic mensuel net est actuellement de 1.128 euros. Cela ferait 2.256 e. par mois versés à tout exploitant d’au moins 10 hectares, alors qu’en 2013 le revenu moyen de 300.000 exploitants était inférieur à 1.900 e. par mois. Cela serait favorable aux éleveurs laitiers qui gagnent en moyenne moins de 2.200 e. par mois, aux viticulteurs qui ne gagnent que 1.900 e. et aux producteurs de viande bovine : seulement 1.283. Au total, pour 250 000 professionnels, cela coûterait moins de 7 milliards, au lieu des actuels 31 milliards de subventions publiques et des surprix supportés par les consommateurs, évalués entre une et deux fois le coût de la TVA.
En conclusion, une politique égalitaire rendrait la PAC efficace. En fait, chaque pays européen interprète la PAC différemment, et les principaux, Allemagne et Royaume-Uni en particulier, privilégient le régime du paiement unique institué en 2006. Si nous l’adoptions à notre tour, nos paysans auraient un revenu garanti, et cela d’une manière égalitaire, alors qu’actuellement la moitié des subventions est concentrée sur moins de 10 % des bénéficiaires, les principaux n’étant ni agriculteurs ni éleveurs.
Du même coup, cela augmenterait le niveau de vie de tous les Français qui paieraient moins cher leur nourriture : 20 à 40 % de moins. Cela plairait aussi aux contribuables et aux défenseurs de l’environnement. Libérés d’une paperasserie qui prend actuellement un tiers de leur temps, nos exploitants seraient payés, non pas à ne rien faire, mais comme gardiens de la nature, de nos terroirs et de nos paysages, avec toute liberté pour produire ce qu’ils veulent, sans autre contrainte que de résider sur place, leur présence limitant les incendies et préservant la biodiversité. Point ne serait besoin de régulations supplémentaires, mais de directives écologiques simples : débroussaillage, économie d’eau, limitation des engrais chimiques, des pesticides et de la pollution des nappes phréatiques.
Tribune de Claude Fouquet, ancien ambassadeur et auteur d'ouvrages historiques.
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