Tribune commune de Jean-Paul Gourévitch, auteur des cinq monographies sur les migrations de Contribuables Associés (de 2008 à 2013) et de « Les Migrations pour les Nuls » (First 2014) et Claude Garrec, président de Contribuables Associés.
Michel Sapin avait annoncé le 8 septembre 2015 que l’accueil de 24.000 migrants supplémentaires en deux ans ne coûterait aux contribuables français que « quelques millions d’euros ». A l’approche des régionales, le gouvernement ne veut pas affoler l’opinion publique alors que se développe une campagne humanitaire médiatique intense et pathétique appelant à la fraternité humaine et stigmatisant les égoïsmes. Ce qu’Elisabeth Lévy dans Causeur appelle un « putsch moral ». Reste qu’il s’agit d’un enfumage.
L’Allemagne qui pensait devoir accueillir 400.000 migrants puis a rehaussé ce chiffre à 800.000 avait prévu une enveloppe de 10 milliards d’euros soit un coût unitaire de 12.500 euros. Cette approche, compte tenu du décalage dans le temps, est en phase avec l’estimation faite pour Contribuables Associés dans la monographie de 2012 sur l’immigration irrégulière : un coût unitaire de 10.291 euros dû aux dépenses spécifiques (type AME), aux dépenses proportionnelles (coûts sociaux, sociétaux et sécuritaires) et au manque à gagner concernant le travail irrégulier.
La France qui a reçu 60.000 demandeurs d’asile en 2014 et devrait donc en accueillir 72.000 en 2015 débourserait donc 900 millions qui s’ajouteraient aux quelques 420 millions annuels que lui coûte le solde migratoire de l’immigration irrégulière. Nous sommes loin de l’estimation de notre ministre des finances et des comptes publics. Sauf que tous ces coûts sont sous-estimés.
Dans le maelstrom des flux migratoires, toute prévision est une extrapolation risquée. Ce qui n’empêche pas les estimations. Le flux de l’immigration irrégulière constituée essentiellement, mais pas seulement, de réfugiés a explosé. Frontex l’estimait entre 500.000 et 1.000.000 pour toute l’année. Mais l’étiage de 500.000 a été franchi depuis deux mois et les flux ne font que croître. Il en vient aujourd’hui 10.000 à 15.000 par jour, presque uniquement du littoral Sud et Est de la Méditerranée. L’Allemagne s’attend aujourd’hui à une arrivée de 1.200.000 migrants et vient de rétablir les contrôles à ses frontières. Dans ces conditions les objurgations du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, demandant à l’Europe d’accueillir 160.000 demandeurs d’asile et de les répartir par quotas sont inadéquates. Que faire des autres ? Les renvoyer chez eux, dans des pays en guerre ou en souffrance qu’ils viennent de fuir?
La politique des quotas, selon les clés de la commission européenne est une réponse bureaucratique inadaptée à une situation dramatique. L’espace Schengen est ouvert. Si le migrant ne trouve pas un accueil, un hébergement et des facilités d’emploi dans le pays qu’on lui impose, à supposer qu’il accepte de s’y rendre, il ira vers un autre plus favorable. Les migrants ne font pas ce que décident les gouvernants.
Même si on mettait en place des lieux d’accueil et de filtration des flux aux frontières extérieures de l’Europe (Grèce, Italie, Hongrie) ce qui est pour l’instant une utopie, ou aux frontières en Europe comme le fait l’Allemagne, ce qui acte la disparition de Schengen, cela prendrait du temps et les migrants n’attendront pas. De plus ceux qui seraient refoulés ne repartiront pas d’eux-mêmes. La commission européenne a beau dire que « Frontex se chargera des retours collectifs » et que « Bruxelles négociera des accords avec le pays d’origine », aucun dirigeant européen responsable ne se fait d’illusions.
Il est donc probable que l’Europe soit amenée à prendre en charge environ un million de migrants supplémentaires. Ce qui signifie, selon les actuelles clés de répartition, 192.500 pour la France avec une augmentation de son budget de 2,4 milliards, soit 136 euros supplémentaires par foyer fiscal assujetti demain à l’impôt sur le revenu.